Ilyes Djadel – Le lycée catholique

Ça va ou quoi Montreux ? Je suis trop content d’être là. Faites-moi kiffer, faites du bruit Montreux, je veux vous entendre. Hé Montreux, toute ma vie j'ai rêvé d'être ici, c’est incroyable. Hé, comment il y a trop de meufs à Montreux il faut qu'on en parle. Trop de meufs, par contre, c'est impossible de draguer les filles d'ici. Tout à l’heure je vois une fille, elle est magnifique dans la rue. Je la regarde, je lui dis : “Excuse-moi, t'es magnifique, ça te dirait qu’on aille boire un verre

?” Je vous jure, elle est passée à côté de moi, comme ça, elle m’a fait : “Je suis désolée, je ne parle pas français.” Mais moi je suis con, sur le coup je n'ai pas compris. Un mongol, je lui ai fait : “Ah, sorry.” Des fois j'ai du mal avec les filles, c’est incroyable. On est trop différents, nous, on ne fait pas ça les mecs. On est trop différents, les mecs, les meufs. Vous, par exemple, les meufs, j’ai remarqué un truc, quand vous sortez de la douche, vous avez plein de serviettes. Vou

s mettez une serviette là, vous mettez une serviette là, vous mettez une serviette là. Nous on a une seule serviette, nous. On s'essuie partout avec, après on veut s’essuyer le visage, on se dit : “Est-ce que c'était avec ce côté ?” Et on s’essuie avec le coin, comme ça. “Au moins je suis sûr ça a pas touché mon zgeg.” Après on est là, on se plaint : ”Mais pourquoi on a des boutons ?” La dernière fois, j’ai un pote à moi il m’a dit : “Putain j'ai plein de boutons, j'ai un excès de sébum.” J

e lui dis : “Non, t’as un déficit de serviettes toi. C'est différent.” Toute ma vie, j'ai galéré avec les meufs. Même à l'époque, quand j'étais au lycée. Moi, mes parents, ils m'avaient inscrit dans un lycée catholique. Il faut que je vous raconte ça. Premier jour, je suis arrivé au lycée catholique, ils étaient tous dans une grande chapelle, un peu comme ça. Moi, je suis arrivé en retard. Je me souviens, la dame qui faisait la prière, elle m’a vu, elle a fait : “Oh Seigneur, un Sarrasin !” J

e ne m’attendais pas à ça, moi, je me suis dit c'est sûr, ils vont me rejeter. Pas du tout ! La dame, j’arrive, je dis : “Bonjour Madame, excusez-moi, je suis un peu en retard.” Elle me dit : “Ah non, non, non, tu ne m’appelles pas Madame, tu m'appelles ma sœur.” Moi, je ne l'avais jamais vue avant. Je lui dis : “Écoute ma sœur, là t’abuses. Comme t’es un peu plus vieille que ma mère, si ça ne te dérange pas je vais t'appeler ma tante.” Moi, je lui dis. Elle me dit : “Ah non, ça c’est péché, t

u vas te confesser là-bas.” Moi, je regarde là-bas, je vois une armoire. Et là, elle me dit : “Tu vas dans l'armoire, dans l'armoire, il y a un mec, c'est ton père, mon père, c’est notre père à tous.” Moi, je me suis dit : “Elle est défoncée.” Je lui dis : “C’est ton père à toi. Moi, mon père, je le connais il ne rentre pas dans l’armoire, c'est pas possible.” Sur la vie de ma mère, j'étais dans l'armoire, dans l’armoire, il y avait un mec. Moi j'arrive, je rentre dans l'ambiance, je lui dis

: “Bonjour, euh, papa.” Il me dit : “Vous êtes un pêcheur, mon fils ?” Je lui dis :”Écoutez, moi je suis plus sports collectifs.” Il me dit : “Allez, demain matin rendez-vous à 9h, cours de catéchisme avec ta sœur, allez hop !” Et il me laisse avec cette information. Moi, je ne savais pas c'était quoi le catéchisme. Le soir, je rentre chez moi, je me dis : “Je crois le catéchisme, ça doit être un sport de combat catholique.” Le lendemain, j'arrive au catéchisme. Je vois, je suis tout seul

en kimono. Là, il y a la sœur, elle vient, elle se met en face de moi, elle fait comme ça : Moi, je prends de l'élan. J'ai déjà vu un combat de judo, je me mets en face d'elle, je fais comme ça : Et là je lui dis : “Écoute-moi bien, il n’y a plus de frère et sœur, là. On est sur le tatami, je vais te monter en l’air, j’en ai rien à fou...” Elle m’a dit : “Tu dégages dans l’armoire tout de suite.” J'ai passé ma scolarité dans un meuble, moi. Toute la journée, j'allais dans l'armoire, mon p

ère, il était là toute la journée. Un jour je lui dis : “Ça y est toi, sors, t’abuses. T’es dans une armoire toute la journée. Quand les gens me disent : “Ton père, il fait quoi dans la vie ?” Je leur dis quoi ? Mon père c’est un cintre ? Arrête tes conneries, c’est bon.” Là, il me dit : “Écoute, je voudrais que tu penses à faire ton baptême.” Je dis : “Alors là non. Parce que moi, j'avais un autre père à la base, et il m'avait déjà coupé un bout.” Je lui dis : “Alors là, toi, si tu recoup

es un bout !” Non, parce que je veux bien donner, hein. Mais à un moment donné “Donnez, donnez, Dieu, vous le rendra.” Pour l'instant, je pisse avec mon cul, je ne vais pas vous mentir. Ouais, le lycée catholique. Une fois avec le lycée catholique, on est partis à Lourdes. Je ne sais pas s’il y en a qui connaissent, Lourdes ? Vous connaissez, Lourdes ? Lourdes, c'est un endroit où les catholiques ils vont pour voir des miracles. Moi, je ne savais pas moi. Moi, j'ai demandé à ma prof, j’ai d

it : “C’est où Lourdes ?” Elle me dit : “C’est en altitude.” Moi, je me suis dit : “Hella, on va aller au ski.” Le lendemain, j'arrive à Lourdes, je vois un mec, je dis : “Excusez-moi Monsieur, est-ce que vous avez déjà vu un miracle ?” Le mec, il m'a dit : “Ah moi, ça fait 5 ans que je viens, j’en n’avais jamais vu. Mais là, c’est la première fois que je vois un Arabe ici. Et en tenue de ski en plus.” Il m’a mis des frissons, carrément. Il y a juste un problème à Lourdes, ça, ça m’a un peu

saoulé. Hé, tu marches toute la journée. À un moment donné, moi j'étais fatigué, tu marches toute la journée. Et là-bas, il n'y a pas de banc. Tu ne peux pas t'asseoir. Moi, j'étais fatigué, en fait. Mais là-bas, il y a plein de personnes en situation de handicap, tu vois. Donc il y a plein de fauteuils roulants vides. À un moment donné, j'étais un peu fatigué, je me suis dit : “Vas-y ... Je vais m'asseoir 15 secondes sur un fauteuil roulant. Il est vide.” Je m'assois sur un fauteuil roulant

, il y a un mec, je ne le connais pas, il vient, il commence à pousser mon fauteuil roulant comme ça. Moi, je me dis : “Quitte à faire la visite, autant la faire assis.” T’es fou, j'ai passé toute la journée sur un fauteuil roulant avec un groupe de personnes en situation de handicap. C'était un truc de fou ça. À un moment donné, il y a un mec qui arrive en fauteuil roulant, il me dit : “Comment tu as fait pour en arriver là ?” Sauf que moi, je n’ai pas compris. Je croyais qu'il voulait savoi

r comment j’étais arrivé à Lourdes. Je lui dis : “'Écoute, le bus.” Il m’a dit : “Ah ouais, le bus ça ne pardonne pas.” Bah moi, je n'ai pas compris tout de suite. Je lui dis : “Et toi ?” Il m'a dit : “Moi, trottinette et puis voilà.” Je lui dis : “Ah ouais, t’as dû mettre longtemps pour venir.” Et on a rencontré le pape à Lourdes. Je vais vous laisser sur ça, le pape, c’était un truc de fou. Le vrai pape, hein. Non, parce qu'il y a 2 papes. Moi, je me souviens quand j'étais petit, je disa

is à ma mère : “Maman, c’est qui qui a fait à manger ?” Elle me disait : “C'est le pape.” Donc là, le gars, quand il est venu, moi je ne l'ai pas pris au sérieux tout de suite. Je dis : “C’est qui ?” On me dit : “C'est le pape.” Je dis : “Je le connais. Il venait faire à manger chez moi quand j'étais petit.” Mais le gars, il arrive c’est le pape, t’es fou. Il devait rencontrer notre groupe de personnes en situation de handicap. Ça, c’était un truc de fou, ça. Il arrive, tu sais. Non mais c’es

t un moment ... Il arrive, il dit bonjour à tout notre groupe, il arrive, il dit : “Buongiorno, buongiorno, buongiorno.” Il arrive à moi, moi, c'est le pape ! Par respect, je me lève du fauteuil roulant. Ils ont cru que j'étais un miraculé ! Ils étaient là, ils criaient : “C’est l’élu, c’est l’élu ! C’est l’élu !” Moi, au début j'ai un peu paniqué. Après, je voyais ils étaient contents, je leur ai fait le kiff, je leur faisais la vague et tout. Allez, je vous laisse sur ça, merci beaucoup.

Merci beaucoup. Merci.