Bonjour à tous, aujourd’hui on va parler
de ce qui peut être considéré comme LE plus gros problème conceptuel de la mécanique
quantique, ce qu’on appelle le problème de la mesure. Alors ça peut paraitre étrange de dire que
la mécanique quantique a un problème. Après tout c’est la théorie physique probablement
la mieux confirmée expérimentalement. De la chimie quantique jusqu’aux accélérateurs
de particules en passant par la physique du solide, ses prédictions collent remarquablement
à ce qu’on p
eut observer dans les diverses expériences qu’on a pu imaginer. Alors c’est quoi ce problème de la mesure. Comme j’ai l’ai dit c’est un problème
conceptuel, une sorte d’incohérence dans la théorie. Cette incohérence ne pose absolument aucun
souci en pratique, quand on fait des expériences, mais soulève tout un tas de questions sur
l’interprétation qu’on peut faire de la mécanique quantique. Et bien qu’on l’utilise avec succès depuis
un siècle, c’est à cause du problème de la mesure, qu’aujourd’h
ui, on a encore
des tas de physiciens et de philosophes qui travaillent sur les fondements de la mécanique
quantique, et qui proposent des interprétations alternatives ou des variations dans son formalisme. Le but de la vidéo d’aujourd’hui, ça
va être de vous présenter ce problème de la mesure, et de vous esquisser quelques unes
des solutions possibles, sachant que j’essayerai de faire une vidéo dédiée sur chacune de
ces théories ou interprétations candidates. Alors c’est parti. [jingle] Pour co
mmencer, il va falloir que j’explique
grossièrement comment on fait de la mécanique quantique. On va pas se mentir, si vous n’en avez jamais
fait, le formalisme mathématique peut être un peu rebutant, et je ne vais donc pas trop
rentrer dans les détails techniques. Mais je vais essayer de vous présenter la
façon dont on utilise la mécanique quantique en faisant la comparaison avec la mécanique
non-quantique, celle qu’on apprend au lycée et qu’on appelle la mécanique classique. Alors imaginez un
objet du quotidien, disons
une balle de tennis. Pour faire simple, on va la considérer comme
un objet ponctuel, on fait souvent ça en physique. Si je considère cette balle ponctuelle à
un certain instant t, de quelles informations ai-je besoin pour décrire complètement son
état. On peut en imaginer plein, mais ce qui va
nous intéresser ce sont les informations sur son état qui sont indispensable à prédire
son avenir, à calculer sa trajectoire future. [BALLE Bon déjà il nous faut connaître
sa pos
ition, histoire de savoir où elle est cette balle. On va noter la position X. Bon mais ça ne suffit pas, si vous voulez
anticiper la trajectoire, il vous faut aussi connaître sa vitesse, notons la V. Normalement une fois que vous avez ces deux
informations, X et V, vous êtes bon, vous savez qu’il faut savoir sur l’état de
la balle de tennis. De façon générale en mécanique classique,
quand on a un système ponctuel, la donnée de la position et de la vitesse à un instant
t, c’est l’état de ce systè
me à cet instant.] Maintenant si je veux effectivement prédire,
anticiper, l’évolution de la balle, sa trajectoire, à partir de son état actuel,
qu’est-ce que je fais ? Eh bien je n’ai plus qu’à appliquer la fameuse équation
de Newton. [NEWTON Disons que je connaisse X et V à
l’instant 0, ensuite j’utilise la formule qui dit que la somme des forces est égale
à la masse fois l’accélération. F = m a. D’ailleurs on va plutôt l’écrire a = F
/ m. Et grâce à ça je peux si je veux calculer
l’évolution
de la vitesse et de la position, et donc anticiper la trajectoire de la balle. Evidemment ça implique de connaitre F, c’est
à dire l’ensemble des influences extérieures qui vont s’exercer sur ma balle : la gravité,
peut-être les frottements, etc. Mais si je connais F avec une précision suffisante,
je peux calculer l’évolution de mon système.] Donc on peut résumer la mécanique classique
comme ça : l’état à un instant t, c’est position et vitesse, et la règle d’évolution,
c’est la loi de Newton. T
rès bien. Eh bien la mécanique quantique c’est presque
pareil, avec des maths un peu plus compliquées. [ETATQ Pour décrire l’état d’un système
quantique, disons une particule, on n’utilise pas simplement sa position ou sa vitesse,
mais un truc plus compliqué qu’on appelle la fonction d’onde. Je vous épargne les détails mathématiques,
il suffit de savoir que ça existe. La fonction d’onde est très souvent notée
avec la lettre grecque Psi. On parle aussi parfois d’état quantique,
et l’état va dépen
dre de l’instant t qu’on considère. On note donc Psi(t). Et pour savoir comment cet état va évoluer,
on va utiliser un pendant de l’analogue quantique de l’équation de Newton, c’est
la fameuse équation de Schrödinger. Pareil, je vous la montre sans vous détailler
ce qu’elle veut dire. Mais on peut résumer en disant qu’à gauche
c’est l’évolution de l’état, et à droite, la lettre H, c’est ce qui contient
toutes les influences extérieures. On appelle ça le Hamiltonien, et il joue
en gros le même rô
le que F dans l’équation de Newton. Et donc comme pour la mécanique classique,
si vous connaissez l’état du système à l’instant initial 0, et que vous savez quantifier
les influences extérieures, avec le Hamiltonien H, vous pouvez calculer l’évolution de
la fonction d’onde. Ce que va devenir Psi(t), l’état quantique
du système.] Voilà, conceptuellement c’est pas si compliqué
la mécanique quantique. Un état pour décrire le système à un instant
t, et une équation d’évolution de cet état. Ca ressem
ble à la mécanique classique ou
encore à d’autres théories physiques comme la mécanique des fluides ou l’électromagnétisme. Et s’il n’y avait que ça, il n’y aurait
aucun problème conceptuel avec la mécanique quantique. Mais il n’y a pas que ça. En mécanique quantique, il y a la question
de la mesure. Alors voyons déjà en mécanique classique,
comment ça se passe les mesures. [OBSERVABLES Eh bien c’est pas du tout un
problème. Quand on a un système, on peut mesurer des
trucs à son sujet, comme sa
position, sa vitesse, son énergie cinétique, son moment
cinétique. Ce sont des quantités qui sont fonction de
l’état du système, qui se calculent à partir de X et V. On va appeler ça des observables. Et donc à tout instant, quel que soit l’état
de notre système, les observables ont des valeurs bien définies qui dépendent de l’état. Après pour accéder à ces valeurs, pour
faire une mesure correcte, expérimentalement ça peut être compliqué. On peut être plus ou moins précis, et perturber
plus ou mo
ins le système en le mesurant, mais il n’y a aucune difficulté conceptuelle. En mécanique quantique, c’est différent. On peut considérer les mêmes observables,
l’énergie, la position, le moment cinétique…mais, cette fois, pour un état du système donné,
pour une certaine fonction d’onde, elle n’ont pas toujours des valeurs bien définies. Et la cause de cela, c’est le fameux principe
de superposition.] Ce principe, qui est au coeur de la mécanique
quantique, nous dit que si vous prenez deux états
quantiques possibles pour un système,
alors un autre état qui serait la somme des deux autres sera aussi un état quantique
possible. Ça parait être une règle assez bénigne,
mais en fait pas du tout. [SUPERPOSITION Regardez, imaginez que j’ai
un état possible pour un électron, je vais l’appeler Psi_1, et supposons que quand
l’électron est dans l’état Psi_1 son énergie soit E_1. Maintenant imaginons un autre état quantique
Psi_2, dont l’énergie serait E_2. Le principe de superposition nous dit que
l’état superposé Psi_1 + Psi_2 doit aussi exister, que c’est forcément un état valide. Il est physiquement possible qu’un électron
soit dans l’état Psi_1 + Psi_2. Alors pourquoi pas, mais du coup ce serait
quoi l’énergie de l’électron quand il est dans cet état superposé, ce serait genre
la somme ou la moyenne de E1 et E2 ? Eh bien non, quand on fait l’expérience c’est
pas du tout ce qu’il se passe.] [PROBAS Si vous avez un électron dans l’état
Psi_1 + Psi_2, et que vous mesurez son énergie vou
s allez trouver E_1 avec 50% de probabilité,
et E_2 avec 50% de probabilité. Ca veut dire que si vous faites la même expérience
plein de fois avec plein d’électrons dans le même état Psi_1 + Psi_2 au départ, vous
aurez en moyenne moitié de résultats E1 et moitié de résultats E2. Et on peut même faire des superpositions
d’états avec des coefficients, comme dans un cocktail, mettre un peu plus de l’un
ou de l’autre. Deux fois Psi_1 et 6 fois Psi_2 par exemple,
et ça va faire varier les probabilité
s. Il y a une formule qui décrit précisément
les probabilités d’obtenir tel ou tel résultat en fonction des coefficients de la superposition,
et on appelle ça la règle de Born, en hommage au physicien allemand Max Born. ] Contrairement à ce qu’il se passe en mécanique
classique, la mesure quantique est probabiliste, et ce même si votre appareil de mesure est
parfait et votre méthode de mesure impeccable. Quand un système est dans un certain état,
les mesures n’ont pas forcément un résultat bien
défini, il y a comme une part de hasard
dans le résultat obtenu. Evidemment quand on présente les choses comme
ça, on peut penser qu’il n’y a rien de mystérieux là-dedans. Je vous dit que si on refait l’expérience
plein de fois avec plein d’électrons dans l’état Psi_1 + Psi_2 on aura 50/50 des
deux possibilités. Mais peut-être que je suis juste ignorant
de l’état réel, caché, des électrons. [PILE/FACE C’est comme quand je tire à
pile ou face, tant que je ne regarde pas ma pièce, je peux toujours
dire qu’elle est
dans l’état superposé pile + face. Et que quand je regarde je découvre son véritable
état et dans 50% des cas c’est pile, et dans 50% des cas c’est face. Mais avec une pièce, le résultat était
déjà intrinsèquement là. La pièce *était* dans un certain état,
juste j’ignorais lequel. L’observation révèle juste un truc qui
m’était caché.] Avec mes électrons quantiques, on pourrait
penser que c’est ce qu’il se passe. Peut-être que quand je crois qu’ils sont
tous dans l’état Psi1 + P
si2, en réalité ça n’est pas le cas. [SUPERPOSITION Peut-être que dès le départ,
certains sont en fait vraiment déjà dans l’état Psi1 et d’autres vraiment Psi2,
et donc qu’ils ont une énergie bien définie dès le départ, simplement je ne la connais
pas et je la découvre ensuite, et j’ai 50/50.] Eh bien non cet image est fausse, les électrons
ne sont pas à l’avance soit dans l’un soit dans l’autre, ils sont vraiment dans
l’état superposé. Et si on sait que ce principe de superposition
quantique ex
iste vraiment, c’est grâce au phénomène d’interférences quantiques. Pour le voir, pensez à ce qui est l’expérience
la plus emblématique de la mécanique quantique, l’expérience des fentes d’Young. J’ai déjà fait une vidéo dessus, mais
je vous la résume à grands traits. [YOUNG Si vous envoyez des balles sur un écran
percé de deux grosses fentes et que vous mettez un écran derrière pour visualiser
les impacts, vous allez observer qu’ils se regroupent en deux ensembles, un pour chaque
fente. Chaque
balle est passée soit par une fente,
soit par l’autre. Mais si vous faites ça avec des électrons,
vous allez voir que les impacts ne correspondent pas à deux tâches, mais dessinent progressivement
une alternance de bandes noires avec et sans impacts, qu’on appelle une figure d’interférences. Cette figure ne peut pas du tout s’expliquer
en supposant que chaque électron est passé soit par une fente, soit par l’autre. Elle trahit un état de superposition quantique,
c’est-à-dire le fait que certaine
s propriétés sont non-définies, et n’acquièrent une
valeur que lors du processus de mesure.] On sait aujourd’hui réaliser expérimentalement
des phénomènes d’interférences quantiques dans un tout un tas d’autres situations,
par exemple avec des photons uniques dans un interféromètre. J’en parlais dans cette vidéo. Et la conclusion est toujours la même. La présence d’interférence est la signature
la superposition, l’existence des deux composantes de l’état superposé. S’il n’y avait pas cela, si un
système
était dès le départ soit dans l’un, soit dans l’autre, il n’y aurait pas d’interférences. Bien donc concluons sur la différence entre
mesure en mécanique classique et mesure quantique. En mécanique quantique, si on mesure une
certaine propriété d’un système quantique, une observable, le résultat va être en général
probabiliste, obéissant à la règle de Born, et on sait que ce sont des vrais superpositions
grâce au phénomène d’interférences. Alors pourquoi pas, c’est déjà assez perturbant
. Mais il faut quand même ajouter une tout
dernière remarque. [REMESURE Reprenons mes électrons dont la
mesure d’énergie donne soit E1 soit E2 avec 50% de chance. Si on s’amuse à remesurer immédiatement
l’énergie de chaque électron tout de suite après, qu’est-ce qu’on obtient ? Eh bien
le résultat précédent sera toujours confirmé. Si vous remesurez tout de suite les électrons
qui ont donné E1, ça donnera E1 à 100%, et si vous remesurez les autres, ça donnera
E2 à 100%. Plus de probabilités. Alor
s ça c’est pas mal, ça veut dire que
quand on a fait une mesure, on peut la répéter immédiatement et on aura le même résultat. Plutôt cool et rassurant. Mais ça veut dire un truc important. Mon électron qui était dans l’état Psi1
+ Psi2, que j’ai mesuré, j’ai trouvé E1. Je sais que si je le remesure tout de suite,
je vais à 100% de chance trouver E1. Mais en fait ça veut dire qu’il n’est
plus dans l’état Psi1 + Psi2. En fait il est dans l’état Psi1 tout court. Donc quand on a fait la première me
sure et
qu’on a trouvé E1, ça a en fait transformé mon électron pour l’envoyer dans l’état
Psi1. Et pareil pour les électrons qu’on a mesuré
avec l’énergie E2, ils ne sont plus dans un état d’énergie superposé, ils sont
dans l’état Psi2.] En mécanique quantique, une mesure change
fondamentalement le système auquel elle s’applique, et le fait en fonction du résultat de mesure
obtenu. C’est ce qu’on appelle l’effondrement
de la fonction d’onde. Avant la mesure Psi1 + Psi2, après la mesure
soit Psi
1, soit Psi2. La mesure affecte l’état quantique du système. Et vous voyez le contraste avec la mécanique
classique. En mécanique classique si vous mesurez un
système et que vous vous y prenez bien, vous pouvez le faire sans le perturber plus que
ça. Je peux mesurer la vitesse d’une voiture
avec un radar sans dramatiquement changer la trajectoire de la voiture. En mécanique quantique, ça ne marche pas. Si vous mesurez la vitesse, l’énergie,
la position d’un objet quantique, vous allez l’affecter
de façon irrémédiable. Voilà on a là les 3 ingrédients fondamentaux
de la mécanique quantique. [REGLES L’équation de Schrödinger, qui
dit comment la fonction d’onde évolue, la règle de Born, qui permet de calculer
les probabilités quand on fait une mesure, et l’effondrement de la fonction d’onde
qui permet de comprendre ce que devient la fonction d’onde quand on a un certain résultat. Et là il y a un gros problème conceptuel. Vous voyez qu’on a deux règles qui décrivent
les changements de la fo
nction d’onde. L’équation de Schrödinger et l’effondrement. Et ces deux règles sont très différentes. L’équation de Schrödinger est déterministe
et continue dans le temps, alors que l’effondrement de la fonction d’onde est probabiliste,
et instantané. C’est quand même embêtant. S’il y a deux règles, à quel moment on
applique l’une ou l’autre ?] On l’a dit, Schrödinger c’est pour les
influences extérieures, et l’effondrement c’est pour les mesures. Mais quand on mesure un système, on le soumet
à
une interaction, une influence. Pourquoi on a deux règles, et à partir de
quand on doit appliquer la règle « mesure ». Si j’envoie un photon sur un électron ça
compte comme une interaction ou une mesure ? Schrödinger ou effondrement ? Eh bien voilà c’est ça le problème de
la mesure en mécanique quantique. L’existence de ces deux mécanismes, totalement
incompatibles, qui gouvernent l’évolution de la fonction d’onde. Et sans indication claire de où s’arrête
Schrödinger et où commence l’effondremen
t. Alors ce qui est fou, c’est que cet espèce
de trou conceptuel énorme ne pose quasiment aucun problème en pratique. Quand on fait des expériences, on peut se
reposer sur une prescription qu’on appelle parfois l’interprétation de Copenhague,
en hommage au grand physicien danois Niels Bohr. Cette prescription nous dit que quand on a
une interaction avec un gros objet non-quantique, un objet classique donc, alors ça compte
comme une mesure. Un écran, un détecteur, ce genre de choses,
ce sont des
gros machins classiques, donc ça provoque l’effondrement de la fonction
d’onde. Alors qu’une interaction d’un système
quantique avec un autre système quantique, par exemple un électron à côté d’un
proton, alors là c’est pas une mesure, on applique Schrödinger. Et cette façon de faire, popularisée par
Niels Bohr, fonctionne très bien en pratique. Mais franchement sur le plan théorique on
a quand même toujours le même problème : où est la limite ? A partir de quel moment
un truc est assez gros pou
r être considéré comme classique ? Pourquoi les deux phénomènes
d’évolution seraient si différents ? Et puis une chose qu’on s’attendrait avec
la mécanique quantique c’est qu’elle soit plus fondamentale que la mécanique classique. Que la mécanique classique découle de la
mécanique quantique. Un peu comme on peut dire que la gravité
newtonienne découle de la relativité générale. Avec l’interprétation de Copenhague ça
ne va pas du tout puisque d’après Bohr on a fondamentalement besoin d’objets cla
ssiques
pour donner sens aux règles de la mécanique quantique. Donc on tourne en rond, la mécanique quantique
ne peut pas prétendre à être une théorie fondamentale avec ça. Voilà, c’est le problème de la mesure. Et 100 ans après l’invention de la mécanique
quantique, on n’a toujours pas de réponse claire à y apporter. Mais rassurez vous, je ne vais pas vous laisser
là, pour finir la vidéo je vais vous esquisser quelques pistes possibles, en attendant de
faire, j’espère, des épisodes dédiés sur c
es sujets. Tout d’abord, on pourrait se dire que la
différence n’est peut-être pas si grande entre les deux règles d’évolution, Schrödinger
et l’effondrement. Je vous ai dit que dans l’équation de Schrödinger,
le terme H, qu’on appelle Hamiltonien, contient l’ensemble des influences extérieures. Quand vous mesurez un électron avec un détecteur,
il y a plein d’influences extérieures qui s’appliquent sur l’électron, les milliards
de milliards de particules qui composent le détecteur. Peut-être que
ça donne lieu à un Hamiltonien
très compliqué, qui a l’air un peu aléatoire, et qui produit une évolution très rapide
qui a l’air instantanée et passe pour effondrement probabiliste de la fonction d’onde ? Eh bien non ça ne peut pas marcher. On le sait à cause d’une propriété de
l’équation de Schrödinger : elle est linéaire. Je vous passe les détails mais ça montre
qu’on ne peut pas réduire l’effondrement de la fonction d’onde à une équation de
Schrödinger avec un Hamiltonien très compliqué. Il
faut trouver autre chose. Le physicien John Bell, l’auteur des célèbres
inégalités dont j’ai déjà pas mal parlé, aurait résumé les solutions possibles en
disant : il n’y a que deux possibilités : l’équation de Schrödinger est soit fausse,
soit incomplète. [SOLUTIONS Une première approche possible,
ce serait donc de fondamentalement modifier l’équation de Schrödinger pour casser
sa linéarité, et qu’elle puisse vraiment provoquer des phénomènes d’effondrement
de la fonction d’onde. Ce sont les ap
proches dites « d’effondrement
objectif ». Si on y arrive, ça voudrait dire que ce qu’il se passe au cours d’une
mesure serait ramené à un cas particulier de l’évolution selon l’équation de Schrödinger
modifiée. On aurait plus qu’une seule règle d’évolution. Mais on peut aussi partir du principe que
l’équation de Schrödinger est toujours correcte, mais incomplète. Qu’il faut lui adjoindre d’autres quantités
et d’autres équations. C’est notamment l’approche que suit la
mécanique Bohmienne, initié
e par Louis De Broglie et développée plus tard par David
Bohm. Dans le cas le plus simple, elle postule la
coexistence d’une onde et d’une particule, avec une équation supplémentaire censée
décrire l’interaction entre les deux. Mais il existe aussi d’autres variantes
similaires sur l’idée d’exhiber ce qu’on appelle parfois des variables cachées non-locales.] Avec ces deux familles d’approches, on semble
épuiser l’alternative posée par Bell. Et pourtant il existe une troisième possibilité. L’appr
oche d’Everett, des Univers multiples. [EVERETT Dans cette approche on ne garde que
l’équation de Schrödinger, et sans la modifier. Et on explique les mécanismes de mesure par
une séparation en plusieurs branches d’univers. L’état quantique complet reste superposé,
mais nous n’avons accès qu’à une des branches de la réalité.] Ca semble assez bizarre mais c’est très
sérieux, et ça méritera bien une vidéo dédiée. Et enfin dernier élément, pour compléter
le tableau, il existe un phénomène très impo
rtant, beaucoup étudié sur le plan théorique
et expérimental depuis quelques dizaines d’années : la décohérence quantique. Le phénomène de décohérence n’est pas
en soi une proposition de solution au problème de la mesure. On ne fait pas d’interprétation particulière
et on n’ajoute rien de nouveau au formalisme. Mais c’est plutôt l’idée de prendre
sérieusement l’équation de Schrödinger et de montrer que pour certains systèmes,
les interférences quantiques disparaissent du fait des interactions av
ec l’environnement. La décohérence est une approche valable
quelle que soit l’interprétation que l’on adopte, c’est « juste » une conséquence
de Schrödinger, mais elle permet d’éclairer avec une lumière différente ces débats
sur la question de la mesure et des interprétations de la mécanique quantique. Donc elle aura aussi sa vidéo dédiée. Voilà si j’ai bien compté, je viens d’annoncer
4 vidéos, il va falloir que je m’y mette. Merci d’avoir regardé celle-ci, n’oubliez
pas de vous abonner si c’es
t pas déjà le cas, et surtout de mettre la cloche. Depuis quelques mois chaque vidéo que je
sors fait un démarrage encore plus mauvais que la précédente et je reçois encore souvent
des messages de gens qui ne voient pas passer les vidéos et pensent que j’ai complètement
arrêté la chaine. Alors non, et ça me saoule de devoir rentrer
dans ce jeu là, mais quand même, mettez la cloche. Et puis j’espère que comme ça on peut
se retrouver très vite pour une nouvelle vidéo, à bientôt.
Comments
S'il y a des univers multiples, je vis résolument dans celui où j'ai bien mis la cloche. Merci pour vos vidéos.
L’intersection entre Science Étonnante et la mécanique quantique forme toujours un ensemble très intéressant.
Toujours limpide et clair même quand on a jamais touché à la mécanique quantique Une qualité hors compétition sur l'ensemble de you tube
ayant passé mon bac, à l'époque où on pouvait encore être nullissime en quelque chose, avec 0,5/20 en maths, et donc nulle à un point inimaginable en maths et en physique, j'ai une reconnaissance infinie pour les scientiques, et particulièrement pour david louapre, qui se donnent la peine de me donner un moyen de décrypter le monde qui m'entoure. après visionnement des vidéos, je ne suis pas sûre de "savoir" (c'est un euphémisme, je serais incapable d'expliquer ce qui a été expliqué à un autre nul comme moi), mais j'ai l'impression d'entrevoir quelque chose qui me décrypte la réalité physique. et je me réjouis que david nous commente, explique, déchiffre ce qu'il se passe actuellement avec le téléscope james webb et que nous, vivants de 2022, avons l'incroyable chance de vivre ! et je pense à ces centaines d'astronomes de l'antiquité à ... juin 2022 qui auraient tout donné pour ne serait-ce que jeter un coup d'oeil sur NGC 628...
Ne lâche rien tu as juste une des meilleures chaînes de tout youtube 🤗❤️
Et comme toujours, un petit peu de compléments dans le billet de blog qui accompagne la vidéo https://scienceetonnante.com/2022/07/15/mesure-quantique
J'ai vu cette vidéo il a un an en train de faire le ménage. Je l'ai remise aujourd'hui et je l'ai écouté en train de conduire et j'ai l'impression de redécouvrir des nouvelles choses. J'ai fait des études d'économie, mais si j'étais né 20 ans plus tard ici en France (je suis étranger)et si j'avais vu sciences étonnante j'aurais essayé de faire de la physique. Merci.
Ça me fait toujours le même effet ce sujet...ça chatouille les neurones et je trouve ça aussi passionnant que marrant!!! Passionnant, vraiment!!!!
Merci pour cette chaîne qui est pour moi une solide référence. Au risque de m'exposer au ridicule, je souhaite tout de même formuler une hypothèse que je rencontre rarement concernant les problèmes "essentiels" de la physique actuelle. Je pourrais l'intiluler "l'hypothèse du biais cognitif collectif". Elle reposerait sur le constat que la communaité scientifique est globalement organisée, sociologiquement parlant, avec tous les mécanismes, habituels, sous diverses formes dans les divers groupes, de maintien à distance et d'exclusion des personnes soutenant des hypothèses psychologiquement dérangeantes pour la communauté. J'ai lu qielque part (pardon pour l'oubli de la source précise) que les hypothèses d'Alfred Wegener causaient dans son université de gros désagrément de carrière pour les chercheurs qui les envisageaient. D'autres part, les clés de l'épistémologie, science de la nature de la science, dont dépendent toutes les sciences, incluant la physique, sont sans doute aujourd'hui à rechercher dans la psychologie humaine, davantage que dans la surpuissance des accélérateurs de particules. À l'appui de mon hypothèse, je peux citer sur votre chaîne "Que faire des résultats scientifiques révolutionnaires démontrés par des amateurs incompris ?" (où il apparaît qu'il n'existe rien de prévu pour la vérification des théories, et que votre proposition, très pertinente, n'a pas été, à ma connaissance, mise en pratique), ainsi que l'expérience de Rosenhan ("être sain chez les fous"). Qu'est-ce qui a changé, dans l'organisation de la communauté scientifique, depuis Semmelweis (battu à mort dans un hôpital psy après avoir été raillé toute sa vie, alors qu'il avait compris que, par une désinfection des mains, il sauvait d'une mort horrible, en grand nombre, des femmes en couches, contaminées par le germe de la fièvre puerpérale en provenance des séances de dissection des cadavres, véhiculé via les mains des médecins et étudiants), en matière d'émergence autonome de nouveaux paradigmes ? Et si on jette un coup d'œil sur un manuel de psychiatrie actuel (par exemple ce cours de psychiatrie du CHU d'Angers http://psyfontevraud.free.fr/cours/278-delires.htm ), on découvre qu'une critique de la doxa ou une invention hors du cocon institutionnel, peuvent ressembler comme deux gouttes d'eau à une pathologie... Sans qu'il se trouve un seul mot de prudence auprès de la ou du futur psychiatre pour l'informer de l'existence, statistiquement rare, mais jalonnant l'histoire des sciences, d'authentiques inventeurs méconnu. Et avec son arsenal de cellules d'isolement, d'électrochocs, de camisoles de forces, de systèmes d'entrave et de camisoles chimiques, les supplices, lents et ouatés, loin de l'accès effectif à des procédures crédibles de réalisation du minimum des droits fondamentaux, infligés par la psychiatrie au nom du "soin", n'ont, malheureusement, pas rien à voir, encore aujourd'hui, avec des pratiques pas si lointaines où, sous des modalités pratiques un peu différentes, on contraignait les corps, sans autre but, sincère peut-être, que le salut des âmes. Je suis bien conscient de ne pas être d'un niveau de maths, et de loin, qui me permette de critiquer directement la physique et les maths actuelles. Mais compte tenu des moyens de pression en œuvre dans notre société pour maintenir "l'ordre public et les bonnes mœurs", et les tabous collectifs, au sens ethnologique du terme, qui régissent encore nos grands mythes civilisationnels (l'Égalité, la Liberté, la Laïcité, la Croissance, toussa toussa) - avec les dégâts environnementaux, et militaires, que l'on sait - ainsi que la faiblesse de la physique quant à son épistémologie fondamentale, je ne serais pas étonné que l'issue à la crise actuelle, "la théorie du tout", arrive plutôt dans le champ concret des sciences humaines concrètes, que par la découverte de l'énergie noire, qui ne nous dira, toujours pas, "qui nous sommes" (et surtout, qui nous aurions pu être pour en arrvier autre part qu'à ce point de bascule, si inconfortable, et de plus en plus aujourd'hui, de la civilisation...) Merci encore pour tous les sujets abordés, dans une si grande qualité de travail scientifique et de communication.
Je me régale à chacune de tes vidéos, à chacune d'elle j'apprends des choses nouvelles très intéressantes et que dire la clarté des explications, vraiment je te merci pour ton excellent travail. La meilleure chaîne de vulgarisation scientifique à mon sens. #Respect
Dans un univers j'écoute, dans un autre je ne comprend rien, mais je sais que dans un autre tout est évident ... Vraiment agréable à écouter
Vous êtes toujours le meilleur vulgarisateur scientifique français sur le net !
Très bonne vidéo ! On apprend plein de trucs et ça n’a pas de prix. Vive la connaissance !
Enfin une vidéo sur la mesure en mécanique quantique !! Merci David, je l'attendais depuis longtemps : il me semble que c'est un sujet très peu traité par les vulgarisateurs et pourtant essentiel pour démystifier son aspect "magique".
J'avais bien entendu parler du "problème de la mesure" mais c'est la première vidéo de vulgarisation que je vois sur ce sujet. Merci !
Cher Monsieur. Je tiens à vous exprimer mon enthousiasme concernant le contenu de votre vidéo, qui s'avère être d'une grande pertinence sur le plan scientifique. De plus, votre exposition est d'une clarté exemplaire. Félicitations. Vous avez su attribuer des noms et des équations à des intuitions que je nourrissais depuis longtemps. Bien que je ne sois pas physicien, ni théoricien ni praticien, vos réflexions ont suscité en moi une série de considérations stimulantes. Vous avez soulevé plusieurs questions pertinentes, notamment celle de savoir à partir de quelle échelle de grandeur nous passons de la mécanique classique à la mécanique quantique. À cet égard, il convient de considérer l'importance de disposer d'un étalon de mesure approprié. Si notre référence de mesure est constituée de particules, cela nous ramène inévitablement au point de départ, car les particules peuvent subir des phénomènes de décohérence quantique, selon les propriétés du matériau en question. La notion d'extérieur demeure particulièrement floue. D'un point de vue philosophique, il est même envisageable qu'aucune frontière nette ne sépare ce qui est interne de ce qui est externe. Quant à l'affirmation selon laquelle "la mesure affecte le résultat", elle revêt une signification sémantique complexe. Il serait possible de considérer qu'un état évolue vers un autre, mais attribuer cela uniquement à la mesure serait un sophisme post hoc, ergo propter hoc. Je vous adresse mes salutations distinguées.
Fidèle à votre chaîne je vous remercie pour cette nouvelle vidéo de grande qualité.
hâte de voir les 4 prochaines vidéos ! C'est toujours un plaisir d'en apprendre un peu plus, merci !
Je crois que lorsque l'on ne met pas de POUCE BLEU , au bout d'un moment, même si on est abonné, on ne reçoit plus les notifications.....Merci ...toujours au top
Je ne sais pas si les français se rendent compte du travail phénoménal de ce Monsieur. Ce David Louapre, c'est un bijou de la vulgarisation scientifique. Il mérite de grands prix pour ça. Des sujets hautement techniques avec des mathématiques avancées rendus accessibles à un grand nombre. Il est à chérir et protéger at all costs !